Philippe Busquin: Un Espace Européen pour la Recherche et l'investissement dans la connaissance, Conférence IST 2002 Copenhague, 4 novembre 2002

十一月 5, 2002

Conférence IST 2002

Monsieur le Ministre,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Introduction.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir associé à cette conférence.

Elle me donne l'occasion de vous présenter les grandes lignes de la politique de recherche européenne et de mettre en lumière les synergies avec le développement des technologies de la société de l'information.

La recherche, les processus par lesquels les connaissances sont créées, appropriées, transférées, diffusées et exploitées sont essentiels pour une économie fondée sur la connaissance. Ce constat est à la base de la stratégie choisie par l'Union pour devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde » en 2010.

L'évolution du secteur des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) est un bon exemple. Ce sont les investissements dans la recherche consentis dans les années '80, qui ont permis le développement foisonnant de nouveaux produits et services, qui ont alimenté ultérieurement les gains de productivité et la croissance économique.

La recherche sur les TIC a constitué un facteur déterminant pour le développement de l'économie et de la société européennes. Par ses multiples applications industrielles et professionnelles, ses services dans les secteur des soins de santé, des transports intelligents, de la gestion de l'environnement, jusqu'à son impact sur la sécurité et la défense, l'informatique a changé le monde.

Elle n'aurait jamais pu le faire sans un effort systématique de la recherche, et surtout de la recherche mobilisée à cette fin par l'Union européenne. Vous pouvez être fiers de ces résultats.

Et cet investissement de long terme dans la connaissance reste essentiel pour l'avenir. Malgré le ralentissement actuel qui affecte les secteurs technologiques, il n'y a pas d'autre avenir pour l'Europe que de renforcer la maîtrise des technologies comme élément fondamental du développement de la compétitivité.

Le potentiel européen

L'Europe bénéficie d'une recherche scientifique de grande qualité, dans les entreprises ainsi que dans son secteur public.

Elle a le plus grand réservoir de jeunes diplômés de troisième cycle en sciences et technologies dans la tranche d'âge des 25-34 ans.

Là où l'Europe travaille ensemble, elle est forte. Avec le GSM, elle a été capable de créer un standard et un succès mondial. L'Europe est forte également dans plusieurs secteurs stratégiques, comme l'aéronautique, la micro-électronique, les softwares, la chimie, la pharmacie, là où des pôles d'excellence ont pu être développés.

L'espace européen de recherche

Mais, nos organisations pâtissent de la fragmentation et de la dispersion des activités européennes de recherche, organisées le plus souvent sans coordination.

Les caractéristiques de la recherche d'aujourd'hui exigent que la recherche s'entreprenne de façon plus structurée et intégrée.

Une réforme de la recherche européenne était donc nécessaire.

C'est pourquoi, j'ai proposé la réalisation de l'espace européen de la recherche, qui combine deux éléments complémentaires:

  • La création d'un véritable marché intérieur européen de la recherche pour une vraie libre circulation des chercheurs, des connaissances et des technologies;

  • Une authentique coordination des activités et des politiques nationales de recherche; les budgets des Etats membres alimentent trop de recherche fragmentée; vingt-cinq ruisseaux ne font pas un grand fleuve s'ils ne convergent pas.
Trente mois après son lancement, il a déclenché une prise de conscience de la dimension européenne de la recherche, stimulé le rapprochement des acteurs et des opérateurs de la recherche européenne et permis le lancement d'initiatives nouvelles de coopération.

L'Espace européen de la recherche ouvre ainsi la possibilité d'actions de plus grande envergure permettant à la recherche communautaire d'obtenir une meilleure efficacité de résultats.

Le programme-cadre de recherche

Le programme-cadre et ses programme spécifiques dont les appels à propositions sont sur le point d'être lancés, ont été radicalement réformés pour servir la réalisation effective de ce nouvel espace de savoir.

Le programme aidera:

  • A se concentrer sur les questions clés de la recherche et de l'innovation;

  • A renforcer et structurer la base scientifique et technique;

  • A stimuler de nouvelles approches et à mieux se coordonner au niveau européen
Il sera appliqué sans discrimination aux pays candidats.

Pour augmenter son efficacité, j'ai proposé deux nouveaux instruments financiers:

  • Les projets intégrés permettront la création de plate-formes industrielles de grande envergure répondant aux grands défis sociétaux. Les projets intégrés permettront, dans un seul contrat, la combinaison d'activités de recherche, de démonstration, de transfert de technologie et de formation.

  • Quant aux réseaux d'excellence, ils ont pour but une intégration durable des capacités de recherche au niveau européen. Ces projets permettront, par leur exceptionnelle qualité scientifique et technologique, de fédérer les meilleurs laboratoires européens, de créer de véritables « centres d'excellence virtuels », qui attireront les chercheurs et les investissements en RD des entreprises du monde entier.
La recherche européenne doit se concentrer sur les vraies priorités technologiques, exploiter les niches technologiques pour lesquelles elles dispose d'avantages comparatifs, créer et dynamiser des nouveaux marchés technologiques tournés vers la société de la connaissance

C'est pourquoi le programme-cadre est donc largement ouvert aux TIC. La priorité concernant les technologies pour la société de l'information dispose du budget sectoriel le plus élevé: 3.6 milliards d'euros sur 4 ans. En outre, 200 millions d'euros ont été prévus pour l'interconnection des réseaux nationaux de la recherche et le développement des Grids.

Le secteur des TIC peut également bénéficier de la priorité accordée par le PCRD à la recherche dans les PMEs. Celle-ci se traduit par un objectif de consommation budgétaire spécifique - au moins 15% des fonds affectés à l'ensemble des priorités et des mesures spécifiques ouvertes à tous les secteurs industriels.

Enfin, les fonds pour les bourses de mobilité des chercheurs ont été sensiblement accrus. Ils sont aussi accessibles aux entreprises des secteurs des communications et de l'information.

Accroître l'investissement privé en RD

Cependant, même avec cette réforme fondamentale des instruments de l'union européenne en matière de recherche, il faut constater qu'il subsiste aussi un grave sous-investissement en RD de la part du continent européen.

L'écart par rapport aux Etats-Unis et au Japon est substantiel et s'accroît au cours du temps. Il s'élève aujourd'hui, chaque année, à 86 milliards d'euros à parité de pouvoir d'achat de 1995, ce qui équivaut à 120 milliards d'euros courants actuels. Ce sous-investissement est particulièrement marqué dans le secteur des TIC.

Au début des années 1990, les trois grands pays européens (Allemagne, France, et Royaume-Uni attiraient ensemble 45% des investissements transnationaux de recherche des entreprises de l'OCDE, autant que les Etats-Unis. A la fin de la décennie, la proportion européenne est tombée à 35% pour l'Europe contre 55% aux Etats-Unis.

C'est pourquoi, j'ai proposé au Conseil européen de Barcelone en mars dernier que notre effort de recherche et de développement en Europe soit porté progressivement à 3% du PIB d'ici 2010.

Je me félicite que les chefs d'état et de gouvernements aient retenu cet objectif.

La Commission a présenté en septembre 2002 une communication sur la manière d'atteindre celui-ci en mettant en avant la préparation d'un plan d'action au cours du premier semestre 2003.

L'accroissement de la recherche en entreprises est l'objectif central de ce plan. En effet, plus de 80% du déficit d'investissement par rapport aux Etats-Unis est imputable à un effort moindre de la part des entreprises européennes.

Les entreprises n'inverseront cependant la tendance que dans la mesure où elles trouvent un environnement favorable au développement de cette activité, et si elles peuvent en exploiter effectivement les résultats et obtenir un retour suffisant pour contrebalancer ses risques.

Les grandes entreprises européennes semblent globalement maintenir leur niveau d'investissement en recherche, mais il est impératif de renforcer l'attractivité et l'efficacité comparative de la recherche européenne.

Les PMEs européennes ont, à secteur égal, des efforts à faire pour renforcer leur potentiel de recherche et d'innovation pour l'amener au niveau de leurs concurrentes.

Enfin, la chaîne de financement pour les créations d'entreprises et la croissance des PMEs technologiques existantes devrait être amélioée pour corriger les effets négatifs de la diminution de plus d'un tiers du capital-risque disponible en Europe.

Un éventail de stratégies complémentaires utilisant des outils tels que les incitations fiscales, les garanties bancaires, l'amélioration des conditions-cadre peuvent dynamiser l'investissement privé dans la recherche.

Je me réfère à des mesures encourageantes prises récemment dans certains pays.

Le Royaume-Uni, par exemple, a introduit des crédits d'impôts très favorables à la recherche

La France et l'Allemagne ont introduit de nouvelles réglementations favorables à l'exploitation de la recherche financée par l'argent public.

Dans cette même perspective, j'ai signé en juin 2001 un accord de coopération avec le Président de la Banque européenne d'investissement. Cette coopération, qui fait figure de pionnière, vise à dynamiser l'investissement dans la recherche, l'innovation technologique, les parcs scientifiques et les incubateurs.

Conclusions

L'objectif de 3% est ambitieux et réaliste: la Suède et la Finlande le dépassent déjà.

Les premiers éléments de la réalisation de l'espace européen, la réforme du programme-cadre sont des pas dans la bonne direction.

Ces outils peuvent aider à mettre en place des plate-formes technologiques européennes dans les domaines prioritaires, renforcer l'efficacité du système de recherche européen et exercer un effet d'entraînement sur les autres dépenses publiques et privées.

Mais la réalisation de la stratégie de Lisbonne, l'avènement de la société de la connaissance la plus compétitive, est un objectif qui n'ira pas de soi. Il demandera un surcroît d'efficacité dans la mise en oeuvre, une véritable traduction dans la réalité des politiques économiques de l'Union et de ses Etats membres.

L'Union doit faire aboutir les initiatives proposées par la Commission et approuvées par les Chefs d'état et de Gouvernement, qui ont un impact direct sur la vitalité de la recherche européenne. Je pense à des mesures comme le brevet communautaire, qui doit être simple, peu coûteux et efficace.

Au-delà l'Union doit aussi réussir à mobiliser les Etats membres en faveur de politiques structurelles, économiques et fiscales favorables à la recherche.

Les situations actuelles des secteurs technologiques rendent encore plus nécessaire et plus urgent de préparer aujourd'hui, par la recherche, le potentiel d'innovation qui permettra de nourrir une croissance forte et durable.

Malgré la conjoncture difficile, je suis convaincu que l'industrie européenne des technologies de l'information et des communications restera sereine et pleine de dynamisme pour l'avenir. Elle saura dépasser le cap difficile et gérer la relance que tout le monde souhaite.

Pour cela nous devons mobiliser et favoriser tous les efforts et les talents, surtout ceux des jeunes scientifiques, dans les universités et entreprises.

La société de la connaissance constitue une promesse de développement égalitaire au niveau mondial, en multipliant les chances à l'éducation, à la santé et la sécurité.

Je pense que notre projet fournit un cadre de référence et des outils pour faire avancer les choses: à nous tous de saisir les opportunités et de transformer le progrès scientifique en progrès économique et social.

Je vous remercie de votre attention.

DN: SPEECH/02/534 Date: 04/11/2002

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