Barcellone, 19 avril 2002
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames les ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir annoncer aujourd'hui la première phase d'une initiative qui est ambitieuse et unique dans le monde de la recherche européenne, voire dans le monde entier.
Quinze pays européens sont sur le point de coordonner leurs efforts de recherche pour accélérer le développement et la production de vaccins et de médicaments contre les trois principales maladies liées à la pauvreté: le Sida, la malaria et la tuberculose.
Et ils le feront en plein partenariat avec les pays en voie de développement.
Pour moi, l'établissement du programme d'essais cliniques est la mise en pratique de l'espace européen de la recherche ouvert sur le monde.
Ce partenariat dans la recherche - ce sera le fil rouge de mon intervention - contre les maladies de pauvreté est plus nécessaire que jamais.
Pourquoi cette initiative?
Les trois principales maladies tuent des millions de personnes par an, surtout dans les pays en voie de développement et compromettent les possibilités de développement économique et social de ces pays.
Depuis l'année passée, la Commission met en œuvre un programme d'action contre les maladies de pauvreté. Ce programme comprend un ensemble cohérent d'actions de politique commerciale, de politique de développement et de politique de recherche pour améliorer l'offre de médicaments efficaces et abordables aux populations les plus pauvres.
En tant que Commissaire à la Recherche, je tiens à souligner combien la recherche fait partie du problème et combien elle fait partie intégrante de toute solution au problème.
La recherche fait partie du problème parce qu'il y a un manque cruel de recherche orientée vers les besoins spécifiques des pays en voie de développement.
A un moment où le potentiel scientifique et les capacités technologiques n'ont jamais été aussi grandes pour rencontrer les défis énormes en matière de santé, il n'existe pas de vaccins efficaces contre le sida ou le paludisme. La tuberculose est de plus en plus souvent résistante aux antibiotiques classiques. Les interventions existantes contre le sida ne sont pas toujours adaptées aux besoins, aux infrastructures et aux moyens financiers des pays du sud.
L'intérêt des industriels est détourné des pays en développement devant l'improbable retour sur l'investissement de ce marché. Il est donc de la responsabilité du secteur public de compenser cette lacune en apportant son soutien financier.
Nous ne partons pas de rien. L'Europe dispose d'une capacité de recherche de base inégalée dans ce domaine. Elle a des instituts de recherche très renommés et nos Etats Membres ont individuellement beaucoup investi dans la lutte contre les maladies de pauvreté.
Entre 1998 et la fin de cette année, la Commission européenne, pour sa part, aura financé plus de 90 projets de recherche portant sur les maladies en question. Ces projets ont non seulement avancé le développement de vaccins et de médicaments appropriés, ils ont aussi tissé de multiples liens entre les chercheurs du nord et du sud.
Mais aujourd'hui, devant l'ampleur du problème et devant les opportunités scientifiques pour y remédier, nous devons passer à une échelle supérieure et atteindre une masse critique. Nous devons établir un partenariat plus structuré.
Le programme d'essais cliniques
C'est dans cet esprit que j'ai proposé l'établissement d'un programme d'essais cliniques contre les maladies de pauvreté.
Ce programme permettra l'intégration des efforts nationaux et communautaires en mettant en réseau et en commun des activités jusque là dispersées, voire concurrentes.
La plate-forme qui sera créé devrait transférer beaucoup plus vite les résultats de la recherche vers le développement clinique dans, pour et avec les pays en voie de développement.
J'attends de ce programme des contributions substantielles à quatre niveaux:
Une identification des doubles emplois et des lacunes dans les projets aujourd'hui menés de façon unilatérale, afin d'améliorer l'impact des investissements public par une approche plus cohérente et plus ciblée.
Le rassemblement d'une masse critique d'expertise et de ressources suffisantes pour réaliser des essais cliniques de grande dimension en mieux utilisant les résultats de la recherche (le plus souvent) publique en Europe.
Le renforcement des capacités de développement clinique dans les pays en développement en terme d'infrastructure et de formation du personnel.
Permettre à l'Europe de parler et d'agir d'une seule voix dans la lutte contre les trois principales maladies de pauvreté. La Communauté européenne a inscrit cette action comme une priorité dans le prochain programme cadre de recherche et nous proposons d'y allouer 200 millions d'€sur 5 ans comme un budget catalysant d'autres sources de financement, notamment celle de la politique du développement et de l'industrie pour réaliser des projets sur le terrain.
Le partenariat à plusieurs niveaux
Les clés du programme sont:
Un partenariat équilibré et multiple que je déclinerai en quatre points.
Un partage des risques et des responsabilités entre les secteurs publics et privés.
Partenariat entre les pays européens (Nord-Nord)
Le programme d'essais cliniques permettra d'élargir et de valoriser au niveau européen ce qui est déjà fait, de façon indépendante, à un niveau national. Il ouvre la possibilité de rassembler les efforts de tous les Etats Membres, que nous estimons à €200 millions par an pour ces trois maladies, autour d'un programme commun, ciblé et coordonné.
Ainsi, les Etats Membres pourront accroître l'efficacité de leurs investissements en créant en commun un outil pour leurs applications cliniques.
Sur le plan juridique et organisationnel, il y a plusieurs options pour formaliser cette coopération. Je pourrais citer à titre d'exemple la participation de la Communauté européenne dans des programmes nationaux conjoints par le biais de l'article 169 du Traité de l'Union européenne ou la création d'une entreprise commune par le biais de l'article 171 du Traité. La Commission européenne est prête à examiner toutes les options sur base de leur mérite.
Partenariat Nord-Sud ou Sud-Nord
Les relations bilatérales entre le Sud et le Nord ont une longue tradition entre les pays d'Europe et d'Afrique. Partant de ce qui existe déjà, nous pourrons former un partenariat plus structuré qui nous permettra:
De mettre en place une collaboration étroite entre scientifiques africains et européens les plus reconnus des deux continents de la phase de conception du projet jusqu'à son aboutissement.
D'élaborer ensemble la stratégie et les priorités d'actions.
De définir ensemble les critères de sélection des sites existants ou à créer où les essais cliniques devront évidemment suivre les règles de bonnes pratiques éthiques, cliniques et biologiques adaptées aux circonstances.
D'évaluer conjointement les besoins en terme d'infrastructures et de formation des personnels. Partenariat Sud Sud
La création de coopérations entre les pays africains et le développement de leurs propres capacités de recherche, de développement et de production de vaccins et de médicaments est un élément-clé de ce programme.
Concrètement, nous voulons favoriser les échanges scientifiques entre les pays en développement sur le plan de formation d'étudiants, de participation à ces séminaires scientifiques, de mise en commun de capacités et d'infrastructure de recherche et de développement.
Un autre rôle majeur de nos partenaires africains sera de cibler les populations les plus vulnérables et de définir leurs besoins précis.
Je souhaite que le programme d'essais cliniques permette à nos partenaires africains d'intensifier l'investissement dans leurs instituts scientifiques et technologiques et dans la formation de leur personnel, grâce, entre autres, à des crédits de coopération au développement.
Sans vouloir négliger les problèmes auxquels nos partenaires africains font face et qui demandent des réponses immédiates, je suis convaincu qu'ils pourront bénéficier à plus long terme d'un engagement ferme dès maintenant pour le développement de leurs propres capacités de recherche, de développement et de production. Pour ma part, j'ai proposé que le programme cadre européen de recherche soit ouvert à la participation d'équipes des pays en développement.
Un partenariat public privé pour le partage des risques et des bénéfices
Une coopération plus étroite entre la recherche publique et le savoir-faire souvent indispensable de l'industrie pharmaceutique permettrait d'enregistrer des progrès importants.
Le déficit du retour sur l'investissement est un facteur dissuasif majeur pour les industriels. Si le programme peut assumer le risque financier des premières phases des essais cliniques, l'industrie pourrait s'impliquer en prenant à sa charge les dernières phases du développement des produits qui auraient fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.
Ainsi, le risque dans le développement de biens publics mondiaux serait partagé entre les secteurs publics et privés.
L'objectif majeur est de fournir plus vite des produits de santé sûrs, efficaces et ciblés sur les besoins des populations les plus vulnérables.
Conclusion
En conclusion, le programme d'essais cliniques s'inscrit parfaitement dans ma vision d'espace européen de la recherche ouvert sur le monde. Il en sera un des projets phares.
Pour le réussir, il est essentiel que les pays du sud et ceux du nord inscrivent ce programme comme une priorité dans la lutte contre la pauvreté.
Le but de notre conférence aujourd'hui est de clairement marquer l'intérêt et la volonté politique pour réussir dans cette ambitieuse entreprise de partenariat durable entre tous les acteurs concernés. Il nous faudra la construire étape par étape et la Commission financera cette première phase de développement du programme d'ici la fin de l'année à hauteur de 1,2 millions d'€.
Je voudrais terminer en remerciant la présidence espagnole d'avoir inscrit cette action comme une priorité dans leur programme.
Je voudrais aussi remercier nos amis de «l'hospital clinico» de Barcelone qui coordonnent en ce moment la phase préparatoire du programme d'essais cliniques pour leur accueil chaleureux dans ce magnifique bâtiment de la Caixa Forum.
Enfin, je voudrais remercier tous les participants d'où qu'ils viennent pour leur contribution au succès de cette initiative ambitieuse pour l'Europe de la recherche au service de l'humanité.
Merci de votre attention.
DN: SPEECH/02/168 Date: 19/04/2002