Ecole Royale Militaire, Bruxelles, 19 mars 2003
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Haut Représentant,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Généraux,
Mesdames et Messieurs,
En vos titres, grades et qualités,
Je tiens tout d'abord à remercier chaleureusement mon collègue André Flahaut pour l'organisation de ce colloque sur ce thème passionnant qui me tient particulièrement à cœur.
Il est organisé à un moment important pour le futur de l'espace en Europe.
Le temps approche en effet où il nous faudra prendre des décisions importantes, si nous ne voulons pas nous trouver dans des situations où l'Europe ne pourrait tout simplement plus " être dans la course ". J'aimerais donc saisir l'occasion de ce Colloque pour partager avec vous quelques réflexions et interrogations.
Messages-clés
Les défis croissants en matière de sécurité, associés aux usages multiples qui peuvent être faits de l'espace, amènent aujourd'hui à reconsidérer dans son ensemble le rôle de l'Europe dans le domaine spatial.
La crise irakienne renforce aujourd'hui ma conviction de la nécessité de doter l'UE d'un degré d'indépendance accru dans le domaine spatial que ce soit au niveau de l'observation, des télécommunications ou de la navigation et du positionnement par satellites.
Nous avons, sur le plan politique, une responsabilité et un devoir envers les citoyens européens, qui est d'assurer les meilleures conditions pour leur sécurité et celle des générations à venir.
Techniquement, l'Europe dispose déjà d'un certain savoir-faire technologique et industriel, grâce à l'expérience accumulée et la politique industrielle menée depuis près de 30 ans. Mais ceci n'est pas suffisant, face à l'accélération très marquée que l'on observe outre-atlantique.
Il existe à l'évidence un besoin politique: la recherche d'une plus grande indépendance stratégique permettrait de renforcer la crédibilité et l'efficacité de la PESC et de la PESD, particulièrement agitée ces derniers temps.
A mon sens, trois questions fondamentales sont au au cœur de ce débat
- quelle est l'ambition européenne , quels sont les objectifs que nous nous fixons?
- quels sont les moyens dont nous disposons, sur les plans scientifiques, technologiques, industriels et financiers?
- comment dégager la " valeur ajoutée européenne " maximum, de manière à rendre plus efficace nos ressources et nos capacités en Europe, et comment convaincre les Etats membres qu'ils y trouveront leur intérêt bien compris?
Le fait que les budgets européens pour la Recherche dans le secteur de l'espace soient six fois plus faibles qu'aux Etats-Unis, où ils proviennent essentiellement de la NASA et du Département de la Défense, devrait nous faire réfléchir.
Pour atténuer ce déséquilibre, l'Europe doit notamment développer une approche plus cohérente et plus structurée de la recherche dans le domaine de la sécurité.
Si la Chine est capable d'envoyer des hommes dans l'espace à la fin de cette année, je ne vois pas pourquoi l'Europe ne serait pas capable de développer des outils spatiaux avancées en soutien à ces objectifs politiques.
Ce débat sur l'ambition européenne est l'essence même du processus du Livre vert actuellement en cours sous l'égide de la Commission.
Le 21 janvier dernier, la Commission, en coopération avec l'ESA, a lancé un Livre vert sur la politique spatiale européenne.
Ce document traduit l'importance stratégique que revêt l'espace aux yeux de la Commission, et la nécessité qu'elle ressent d'intégrer progressivement l'approche de l'Union et celle de l'ESA dans une vision et une politique commune.
L'exposé du Livre vert met l'accent sur certains points névralgiques du secteur spatial européen, sur ses fragilités et potentialités, qui doivent mobiliser l'attention politique et appellent la mise au point d'un plan d'action construit sur le long terme.
Le Livre vert ouvre une large consultation au terme de laquelle la Commission mettra au point, avant la fin de l'année 2003, un plan d'action sous la forme d'un " Livre blanc " demandé par le Parlement Européen. Toute contribution susceptible de nourrir ce débat est bien entendu la bienvenue et le Colloque d'aujourd'hui tombe à point nommé.
Tous les acteurs de l'espace en Europe sont concernés par cet exercice: les opérateurs et les utilisateurs de systèmes spatiaux, la communauté scientifique, l'industrie, les responsables gouvernementaux, les agences spatiales et centres de recherche nationaux.
Des ateliers sont organisés dans plusieurs capitales européennes (1) .
Le cycle a débuté par la séance inaugurale à Bruxelles le 6 mars dernier qui a réuni plus de 200 participants, dont de nombreux acteurs européens importants dans le secteur spatial. La conférence a largement confirmé l'état critique dans lequel se trouve aujourd'hui l'espace et a souligné qu'il était devenu indispensable d'intégrer le plus haut niveau européen dans ce domaine.
Pour les membres de l'assistance qui seraient intéressés, je tiens à signaler que les conférences et atelier qui aborderont plus précisément les aspects de sécurité sont:
- l'atelier de Rome, fin avril;
- la conférence de la Présidence grecque les 8 et 9 mai prochains sur l'espace et les questions de défense et de sécurité, dont je reparlerai tout à l'heure;
- et enfin la conférence de clôture de la consultation à Paris à la fin du mois de juin, où sera présentée par les rapporteurs la synthèse des résultats engrangés lors des ateliers, mais aussi à l'occasion d'autres événements pertinents, telle que la conférence d'aujourd'hui.
Depuis quelques années, l'Union européenne a pris conscience de l'importance que représente l'espace.
Elle intervient progressivement comme acteur, en fonction notamment des applications utiles à la poursuite de ses politiques.
Trois projets majeurs sont actuellement en cours ou en voie de définition au sein de la Commission, avec le support de l'Agence Spatiale Européenne:
- le projet Galileo de positionnement et de navigation par satellites qui sera opérationnel à partir de 2008;
- l'initiative GMES (Global Monitoring for Environment and Security) de surveillance pour l'environnement et la sécurité;
- et enfin un projet - en voie de définition - de communication par satellites.
L'Union européenne est l'acteur politique qui peut définir à une échelle européenne les besoins des politiques pour l'utilisation de l'outil spatial et d'y consacrer une masse critique de moyens.
Politique étrangère, de sécurité et de défense
Le colloque d'ajourd'hui se concentre évidemment sur la politique étrangère, de sécurité et de défense.
La PESD ambitionne de doter l'Union de la capacité de décider et d'agir de manière autonome en vue d'une approche globale de la gestion des crises, y compris la prévention des conflits, au moyen de divers instruments, civils et/ou militaires. Il s'agit des Taches de Petersberg.
Mais la PESD ne pourra se faire sans l'aide d'une politique spatiale européenne.
De même, l'Europe ne pourra maintenir une base technologique et industrielle autonome et compétitive que si elle développe l'outil spatial au service de sa politique de sécurité.
Le Livre vert mentionne clairement que dans le domaine spatial militaire, il existe en Europe plusieurs programmes satellitaires différents , établis sur une base nationale ou au mieux bilatérale, qui ont été réalisé sans concertation:
- pour la télécommunication: SICRAL, SYRACUSE, SKYNET ou encore LORAL;
- pour l'observation optique ou radar: Hélios, SAR-LUPE, COSMO-SKYMED et Pléiades.
Tout espoir n'est cependant pas perdu: certaines études tendent à indiquer que pour un investissement relativement modeste de l'ordre du tiers du budget annuel de l'ESA l'Europe pourrait se doter d'un système opérationnel complet.
En ce qui concerne la question de l'utilisation duale des satellites, il existe de nombreuses caractéristiques communes entre les technologies spatiales à finalité civile et militaire. Il paraît adéquat de combiner l'utilisation des ressources disponibles, ceci étant d'autant plus justifié par l'évolution des performances des systèmes commerciaux et des pressions budgétaires en Europe.
La bonne nouvelle est qu'il existe une certaine prise de conscience. Un groupe de personnalités du monde politique et industriel dont j'ai fait partie - a rédigé l'an passé un état des lieux de la situation actuelle dans le domaine aérospatial. Ce rapport, intitulé STAR21 , recommande que l'Union développe une capacité satellitaire de défense et de sécurité sur une base européenne.
Par ailleurs, plusieurs Etats-majors nationaux se sont associés pour définir conjointement des "besoins opérationnels communs pour un système global européen d'observation par satellites à des fins de sécurité et de défense" (encore appelé BOC), qui pourrait être élargi à d'autres partenaires.
Ce premier pas, encourageant, pourrait être pris en compte par l'initiative GMES en vue d'un système spatial européen d'observation élargi ensuite, pourquoi pas, au renseignement et à la reconnaissance. GMES peut à terme constituer un système complet d'aide à la décision, capable d'acquérir, de traiter, d'interpréter et de diffuser toute information utile sur l'environnement, les risques et les ressources naturelles.
Un contexte politique favorable
- La Convention
En effet, l'insertion de dispositions sur l'espace dans ce futur Traité apparaît aujourd'hui comme une étape indispensable vers l'établissement durable de l'Europe comme puissance spatiale, disposant en particulier d'une politique spatiale approuvée par le Conseil de l'Union.
Le projet d'articles 1 à 16 du Traité Constitutionnel proposé par le Praesidium à la Convention va clairement dans ce sens. Dans ce projet de texte, l'espace relève de compétences partagées par l'Union et les Etats Membres (2) .
Sur cette base, la politique spatiale qui fait aujourd'hui défaut à l'Europe pourrait être une véritable politique de l'Union qui, sans se substituer à l'action des Etats membres, assurerait la convergence des politiques nationales et le renforcement de l'efficacité de celles-ci.
Par ailleurs, le groupe de travail VIII " Défense " de la Convention européenne a recommandé la création d'une Agence Européenne pour l'Armement et la Recherche Stratégique dont la compétence s'étendrait au développement des systèmes spatiaux militaires.
- La Communication de la Commission:
Elle expose la nécessité à long terme d'avoir une industrie européenne des équipements de défense compétitive pour soutenir une politique européenne de sécurité et de défense.
La Commission souligne notamment que le rapport coût-efficacité des dépenses militaires, la préservation d'une base industrielle concurrentielle en matière de défense et de technologies, ainsi que la nécessité de respecter les prérogatives des États membres dans ce domaine sensible, sont autant de considérations importantes à prendre en compte dans la définition d'une politique européenne de l'armement.
Dans le domaine de la recherche liée à la sécurité globale, la Commission invitera les États membres, les entreprises et la communauté scientifique à identifier les besoins communs et à mettre en commun le savoir-faire et les investissements pour développer conjointement des technologies susceptibles de jouer un rôle décisif pour la sécurité de l'Europe à long terme.
La Commission compte de lancer une action préparatoire pour coordonner cette recherche au niveau de l'UE, en se concentrant sur un nombre limité de cas test concrets, faisant recours aux technologies nécessaires à la réalisation des tâches de Petersberg et de la PESD.
La Présidence grecque de l'UE et le Workshop d'Athènes
Le Ministre grec de la Défense, M. PAPANTONOIU, qui exerce actuellement la Présidence de l'UE, a inscrit l'espace comme l'une de ses priorités. Je rends hommage à sa détermination, qui nous permet d'envisager certains progrès, qui auraient été inconcevales il y a peu de temps encore.
Il a également décidé d'organiser, en collaboration avec la Commission, un Workshop spécialisé sur l'Espace et les questions de sécurité et de défense les 8 et 9 mai prochains à Athènes.
Le document très intéressant de réflexion de la Présidence (3) sur la PESD et l'Espace représente un point de départ important pour les débats à venir.
Cet événement à Athènes, annoncé lors du dernier Conseil informel des Ministres de la Défense des Quinze, s'inscrit dans le cadre du processus de consultation du Livre vert; il permettra de nourrir le volet sécurité du futur Livre blanc.
Pour progresser sur cette voix, il est essentiel que tous les Etats Membres soient impliqués dans ce processus ainsi que le Haut Représentant pour la PESC, M. Solana, et ses collaborateurs.
Il est en fait nécessaire de travailler sur deux plans en parallèle: sur le plan politico-insitutionnel, mais également sur des projets très concrets qui ont pour base l'identification des besoins réels au niveau sécuritaire.
Conclusions
Les systèmes spatiaux, qu'ils soient utilisés à des fins d'observation, de communication ou de navigation, représentent des outils exceptionnels. Ils peuvent servir la construction et le renforcement de l'Union Européenne, notamment dans le domaine de la PESD.
Je suis convaincu que des projets européens tels que Galileo, GMES ou encore la perspective de disposer avant la fin 2003 d'un Livre blanc, vont dans le bon sens, en mettant en évidence la " valeur ajoutée européenne " dont je parlai.
La Commission attend beaucoup du processus de consultation en cours. Je voudrais lancer un appel aux participants de ce Colloque pour qu'ils contribuent le plus activement possible à celui-ci.
Je vous souhaite donc d'excellents travaux et vous remercie de votre attention.
(1) Bruxelles, Madrid, Rome, Berlin, Londres, Prague, Paris.
(2) Article 12: Les comp étences partag ées: " 5. Dans les domaines de la recherche, du d éveloppement technologique et de l espace, l Union a une comp étence pour mener des actions, notamment la mise en oeuvre de programmes, sans que l exercice de cette comp étence puisse avoir pour effet d interdire aux Etats membres d exercer les leurs. "
(3) " Food for thought "
DN: SPEECH/03/143 Date: 19/03/2003
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