Paris, 24 Juin 2003
Mesdames les Ministres,
Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames Messieurs,
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour la conclusion de la consultation sur le Livre vert dédié à la politique spatiale européenne, 6 mois à peine après sa présentation par la Commission et l'ESA.
Je remercie Madame la Ministre Haigneré d'avoir bien voulu nous accueillir à Paris. La France joue un rôle important dans le domaine spatial. Chacun connaît aussi votre engagement pour l'espace. Autant de raisons pour être réunis ici aujourd'hui.
Je remercie également Madame la Ministre Moratti d'avoir fait le déplacement de Rome. Vous aurez à traiter du dossier de l'Espace au cours de la prochaine présidence du Conseil européen qui sera assurée par l'Italie dès la semaine prochaine. Votre présence est un signe.
Je remercie enfin tous ceux qui ont contribué tout au long du semestre écoulé à faire de cette consultation un succès et à tracer les grandes lignes de la politique spatiale européenne de demain.
La situation de l'espace en Europe
La consultation sur le livre vert s'est déroulée dans une période avec une actualité très riche pour le secteur spatial.
La période est difficile, surtout pour l'industrie européenne, mais le ciel s'éclaircit. L'accord obtenu il y a quelques semaines au Conseil de l'ESA permet de relancer l'Europe spatiale.
Paradoxalement on n'a jamais autant parlé d'espace depuis les époques pionnières des années 60 ou 70, mais pour d'autres raisons: aujourd'hui les raisons sont d'ordres économique et stratégique.
Economique d'abord
Les activités spatiales constituent déjà aujourd'hui une source de revenus non négligeables pour l'Europe.
Pour l'avenir les perspectives de marché sont importantes. Selon le Département américain de la Défense l'espace circumterrestre devrait compter d'ici 2010 près de 2000 satellites artificiels en orbite autour de la Terre, contre 600 aujourd'hui.
Durant cette même période, les perspectives d'investissements américains dans le spatial sont de l'ordre de 500 milliards de dollars.
En Europe, les perspectives de développement des activités spatiales sont considérables. Du fait du développement des applications. Mais aussi, et surtout, par tous les nouveaux services qui vont apparaître dans de nombreux domaines de notre économie et de notre vie quotidienne. La part des applications spatiales dans notre PIB devrait croître régulièrement.
Il importe donc que l'Europe soit organisée pour relever ce défi économique. La concurrence sera rude, avec les Etats-Unis bien sûr, mais aussi avec les puissances spatiales émergeantes, comme la Chine et l'Inde.
Pour relever ce défi, l'Europe a des atouts, et au premier rang desquels, sa capacité scientifique et technologique qui en fait un leader mondial indiscutable.
D'ordre stratégique ensuite
La guerre en Irak a permis à l'Europe de mesurer le fossé qui la sépare des Etats-Unis dans les applications spatiales de défense et de sécurité.
Ceci renforce ma conviction, et je ne suis pas le seul, de la nécessité de doter l'Union européenne d'un degré d'indépendance accrue dans le domaine spatial, que ce soit au niveau de l'observation, des télécommunications ou de la navigation et du positionnement par satellite. Il en va de la souveraineté de notre continent.
Nous avons, là aussi, sur le plan politique, une responsabilité et un devoir envers les citoyens européens, qui est d'assurer les meilleures conditions pour leur sécurité et celle des générations à venir.
Techniquement, l'Europe dispose déjà d'un certain savoir-faire technologique et industriel, grâce à l'expérience accumulée depuis près de 30 ans et le rôle joué par l'ESA.
Comment renforcer ce savoir-faire en soutien à des besoins politiques évidents pour l'Union, tels que la recherche d'une plus grande indépendance stratégique, éléments essentiels pour une politique étrangère et de sécurité efficace et crédible?
L'économie et l'indépendance européennes ne sont pas les seuls arguments qui plaident en faveur d'une politique spatiale européenne.
Si à l'échelle de l'Union européenne, l'espace a besoin d'une politique, c'est aussi parce que les politiques européennes ont besoin de l'espace.
L'initiative GMES (Global Monitoring for Environment and Security) est emblématique à cet égard.
A mon sens, trois questions fondamentales sont au cœur de ce débat:
- quelle est l'ambition européenne?
- quels sont les moyens dont nous disposons?
- comment dégager au maximum la 'valeur ajoutée européenne'?
Le Livre vert
Si la Chine est capable d'envoyer des hommes dans l'espace à la fin de cette année, je ne vois pas pourquoi l'Europe ne serait pas capable de développer des outils spatiaux avancés en soutien à ses objectifs politiques, qu'ils soient économiques ou stratégiques.
Ce débat sur l'ambition européenne vous l'avez mené durant le processus du Livre vert dont nous concluons la consultation aujourd'hui.
Le Livre vert traduit l'importance stratégique que revêt l'espace aux yeux de la Commission, ainsi que la nécessité qu'elle ressent d'intégrer progressivement l'approche de l'Union et celle de l'ESA dans une vision et une politique commune.
Le Livre vert a mis l'accent sur certains points névralgiques du secteur spatial européen, sur ses fragilités et ses potentialités, qui doivent mobiliser l'attention politique et appellent la mise au point d'un plan d'action construit sur le long terme.
C'est à la construction de ce plan d'action que vous avez été conviés et vous y avez répondu.
Plus de 1000 personnes ont participé aux réunions qui ont eu lieu à travers l'Europe. Mes services ont reçu plusieurs dizaines de contributions venant des Etats Membres, de l'industrie, de fédérations industrielles, d'organismes de recherche.
Les citoyens ont pu donner leur avis sur un Forum Internet. Il semble que les Européens disent fortement " oui " à une Europe forte dans l'espace. Nous ne la construirons pas sans leur adhésion.
Une phase politique
La consultation sur le Livre vert est un processus politique. Il a été effectué de façon transparente, ouverte et démocratique. Toutes les parties intéressées ont pu s'exprimer et elles ont été entendues.
Le Conseil et le Parlement ont déjà voté des Résolutions qui engagent la Commission à proposer rapidement un Livre Blanc. Il sera dès le mois d'octobre sur la table des politiques et des chefs de gouvernement.
C'est en effet à ce niveau que le futur de l'espace doit être abordé: l'Espace, en Europe, est entré dans une phase de maturité politique.
Il ne s'agit plus seulement d'un sujet technique. L'époque pionnière, celle de la première conquête spatiale menée par l'ESA, doit faire place à une ère nouvelle, politique celle-là, résolument tournée vers la construction d'une Europe spatiale forte, intégrée, au service des citoyens et en soutien des politiques européennes.
Pour preuve, la Convention a pris l'Espace en compte dans ses travaux et a proposé d'en faire une politique à part entière de l'Union, une compétence partagée entre l'Union européenne et les Etats Membres.
Les ambitions de l'Europe pour l'Espace
Pour construire et mener à bien une politique spatiale, une stratégie ou un plan d'actions ne suffisent pas.
Il faut d'abord une volonté politique. L'Europe en dispose.
Il faut ensuite des moyens, une organisation adéquate et des programmes adaptés.
Les moyens tout d'abord
L'Europe spatiale dispose de moyens financiers à travers d'une part les budgets de l'ESA et d'autre part les budgets propres aux Etats Membres.
Pris ensemble, cela correspond globalement à un budget annuel de dépenses de l'ordre de 6 milliards d'euro par an.
La consultation a permis d'évaluer les ressources nécessaires à l'espace en Europe au double de cette somme.
Ce chiffre permet de mesurer l'ampleur de la tâche qui nous attend et la force de conviction nécessaire pour atteindre un tel objectif. Les budgets sont toujours des choix politiques.
L'organisation ensuite
Pour être efficace le mécanisme de prise de décision doit être adapté. Les décisions doivent être prises au niveau le plus élevé; celui du Conseil européen par exemple.
L'objectif doit être de préserver l'efficacité de la coordination entre les Etats Membres tout en conduisant à l'élaboration d'un véritable programme spatial européen.
Il faut, je le pense, maintenir la flexibilité des programmes actuels en respectant les intérêts des Etats Membres.
Il faut surtout, et c'est pour moi l'objectif essentiel, faire participer le citoyen, et ses instances de représentation démocratique, au premier rang desquelles le Parlement Européen.
Les programmes enfin
La question des programmes est liée à celle des financements.
La question du financement est un enjeu majeur qui dépasse la simple survie économique des industries spatiales. Il s'agit de trouver une solution qui permette de concilier les principes communautaires de finances publiques et la volonté de certains Etats de sauvegarder une souveraineté spatiale financée par des fonds communs.
Encore une fois, je ne veux pas préjuger en la matière, des propositions qui seront faites par le Livre Blanc qui suivra cette consultation. Cependant, à mes yeux, il conviendrait qu'une architecture programmatique souple et flexible puisse être adoptée qui permettrait un financement adapté aux différents types de programmes actuels.
Pour concrétiser ses ambitions l'Europe dispose d'un plan d'action technologique, d'une volonté et d'un support politiques. Il lui faut maintenant un cadre institutionnel qui lui donne les moyens d'atteindre ses ambitions économiques et stratégiques dans le domaine spatial.
Au-delà du Livre vert
Un constat: le renouveau de l'Espace en Europe. Il y a un renouveau de l'Espace en Europe. Le succès du Conseil ESA montre que l'Europe sait se retrouver quand la situation l'exige .
La course vers Mars a démarré. C'est un projet emblématique qui enthousiasme notre jeunesse. Il faut en trouver d'autres: c'est le message que j'ai entendu de la part de tous les jeunes que j'ai pu rencontrer tout au long de cette consultation.
J'étais vendredi au Salon du Bourget. Tous les Présidents de groupes industriels que j'ai rencontrés m'ont dit que la situation était difficile, mais aussi que grâce à ses capacités d'innovation l'Europe savait vendre ses produits, c'est un message d'optimisme.
Ils m'ont surtout dit que les efforts de restructuration de l'industrie, dans les domaines aéronautique et spatial, civil ou de défense, seraient vains s'ils n'étaient rapidement accompagnés d'actions et de mesures concrètes de la part de l'Union européenne.
A titre d'exemple, dans le domaine des communications par satellite, les opérateurs dialoguent activement avec les utilisateurs et les fournisseurs de services. Ils sont prêts à soutenir l'Union Européenne et l'ESA pour une action informative d'envergure dans le domaine des Télécom. Cela pourrait avoir des retombées importantes dans le processus d'élargissement.
Nous devons donc agir et agir vite. Agir tous ensemble.
La Commission présentera le Livre Blanc en octobre. Il sera sur la table du Conseil et du Parlement à la mi-novembre.
Les discussions sur les perspectives financières et les propositions budgétaires de l'Union pour la période 2007-2013 ont commencé. Il faut profiter de cette période pour y inscrire le budget qui revient à l'espace.
Sur la scène internationale, si la situation du secteur spatial aux Etats-Unis n'est pas florissante, les puissances spatiales émergeantes arrivent à grands pas. Ceci est un élément supplémentaire qui devrait nous stimuler à agir vite.
Nous devons agir mais nous ne pouvons agir seuls. La coopération en matière spatiale est nécessaire. Il faut créer des partenariats, de vrais partenariats à long terme. Des partenariats qui garantiraient nos intérêts et nous autoriseraient l'initiative. Je pense à la Russie en tout premier lieu.
Dans ce cadre je tiens à vous annoncer l'intention de la Commission d'organiser une conférence internationale sur l'Espace fin novembre 2003 en Italie: l'Europe spatiale doit être ouverte aux collaborations internationales.
Pour être un partenaire respecté et recherché l'Europe doit être forte. La politique spatiale que nous devons bâtir doit nous donner cette force de puissance spatiale à laquelle nous avons les moyens de prétendre.
Sur cette base et sur ces objectifs je m'engage à analyser les contributions reçues au cours de la consultation. A proposer au Conseil dans les meilleurs délais un plan d'action, précis, ambitieux mais réaliste. Un plan d'action assorti d'un calendrier et des ressources nécessaires à sa mise en œuvre. Un plan d'action qui sera bâti sur une consultation très large et très riche.
Conclusions
L'Europe a besoin de l'Espace: pour son indépendance, pour son économie, pour ses politiques.
Mais l'Espace a besoin de l'Europe, de l'Union Européenne.
L'industrie peut se restructurer et relever le défi des géants américains. Mais dans des secteurs à risques, comme celui de l'Espace, les efforts industriels doivent être accompagnés d'un support public et politique.
Le secteur public doit d'abord devenir un utilisateur de l'espace.
Il faut ensuite instituer des partenariats publics-privés, autour de projets opérationnels, si l'on veut trouver les ressources nécessaires. On l'a fait pour Galileo. Mais pour cela il faut établir des cadres économique, réglementaire et politique.
Agissons vite. Dans le domaine spatial, plus que dans tout autre domaine, sans action on régresse. Les enjeux sont de taille: il en va de notre économie et de notre indépendance.
L'industrie l'a compris et dans certains domaines a fait évoluer ses structures. Certaines agences nationales également, qui ont déjà redéfini leurs missions en vue de l'avènement d'une Europe spatiale.
L'Agence Spatiale Européenne va aussi devoir s'adapter à ce rapprochement avec l'Union européenne. La Commission également. L'Europe spatiale doit procéder à son 'aggiornamento', à sa mise à jour.
A travers vous, Madame la Ministre, j'invite la présidence italienne à se joindre à ces efforts et à permettre une conclusion rapide du Conseil cet automne sur la politique spatiale européenne.
Je vous remercie pour votre attention.
DN: SPEECH/03/333 Date: 30/06/2003
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